Quelques mois après son entrée en fonction, Mathieu Fleury, nouveau directeur général de Lémanis SA, la société en charge de l’exploitation du Léman Express, livre ses priorités.
Nonobstant un certain nombre de vents contraires (pandémie et pénurie de conducteurs) , le Léman Express tient ses promesses et parvient presque aux objectifs fixés : 50’000 voyageurs par jour. Comment expliquez-vous ce succès ?
Mathieu Fleury : Au vu des difficultés affrontées par les pionniers, c’est la fameuse phrase de Mark Twain qui me vient à l’esprit : « ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». Ce succès est donc la plus belle des récompenses pour l’ambition visionnaire des autorités politiques des deux côtés de la frontière, pour l’expertise cumulée de nos maisons-mères CFF et SNCF et pour l’engagement exceptionnel de toutes les équipes à pied d’œuvre dans ce projet hors-normes. Ce succès est aussi la confirmation qu’une demande existait, latente, et qu’elle n’attendait qu’une offre comme la nôtre pour se révéler.
Vous avez repris la direction générale de Lémanis SA en juin 2021. Quelles sont vos priorités ?
La question est plutôt « qui » est ma priorité et, sans surprise, il s’agit de nos client·e·s… et de celles et ceux que nous devons encore convaincre ! Il y a d’abord la foule de celles et ceux qui se déplacent pour leur travail. Pour répondre à leurs besoins au quotidien, l’essentiel est de maintenir absolument la qualité de l’offre à très haut niveau. Les résultats plus qu’encourageants de nos différentes enquêtes de satisfaction montrent qu’on n’a pas fait tout faux jusqu’à présent… Le dialogue avec les employeurs va aussi déboucher sur des plans de mobilité comportant les bons incitatifs. Notre proximité avec le terrain nous permettra aussi d’atteindre un autre de nos buts originels : « gommer l’effet frontière ». Je dois dire qu’il reste du travail, car la frontière existe encore dans de nombreuses têtes, y compris dans nos propres structures…
Quels moyens pouvez-vous mettre en place pour atteindre une nouvelle clientèle ?
Dorénavant, l’offre existe et elle fonctionne, mais nous devons collégialement, opérateurs et autorités organisatrices, optimiser encore tout ce qui peut l’être pour que Léman Express rime avec simplicité d’utilisation et tarif attrayant et compréhensible. Lémanis, la société que je dirige, doit être la « forge » où fusionnera le meilleur des deux mondes ferroviaires – français et suisse – pour offrir aux client·e·s une expérience fluide et, autant que possible, personnalisée. La mobilité de loisirs n’en est, quant à elle, qu’à ses balbutiements, covid oblige : il nous faut ici mettre en réseau (littéralement !) les acteurs de cette région d’une richesse exceptionnelle et d’une rare beauté pour provoquer le « réflexe LEX » pour la mobilité plaisir. Notre potentiel de développement est très important hors des heures de pointe : en soirée, le week-end et pendant les vacances.
« Essayer le Léman Express, c’est l’adopter » affirment celles et ceux qui font l’expérience du Réseau ferroviaire transfrontalier. Quels sont, selon vous, les derniers freins des inconditionnels du déplacement individuel ?
Outre les évidentes considérations liées au développement durable, l’argument massue qui permettra à nos « clients-ambassadeurs » de convaincre les indécis sera le côté pratique de la solution que nous proposons. Au-delà du fait qu’en train, le temps de trajet est du temps utile, je suis convaincu que la clé du succès est à chercher du côté de la mobilité combinée : de la porte de votre domicile à celle de votre destination, nous devons parvenir à vous offrir une combinaison qui fait sens et qui est capable de rivaliser avec la flexibilité offerte par le transport individuel.
Faut-il s’attendre dans les dix ans à venir à une extension du réseau ?
Ce n’est pas à moi de le dire, mais aux autorités publiques de le décider. Cela dit, l’appétit vient en mangeant et le succès appelle le succès : on entend déjà les appels des autorités locales qui ne sont pas (encore) desservies par le LEX et qui mesurent dorénavant l’impact extraordinaire qu’il pourrait avoir sur leur territoire. Cela dit, je pense en réseau et l’essentiel est d’adopter la perspective du client : ce qui compte « vu du quai », c’est l’offre et pas de quel opérateur elle provient. A nous tous d’« aligner » pour lui tout ce qui est offert en termes de transports publics.