Deux ans, presque jour pour jour, après sa mise en circulation, le Léman Express a ses adeptes. Des voyageurs, qui affluent d’Annecy, de Thonon, d’Annemasse. Ou d’autres qui, depuis Saint-Julien-en-Genevois, rallient le Bachet pour emprunter la ligne qui les conduit en moins de temps qu’il ne faut pour le dire à la gare de Genève-Champel, proche du cœur de la ville. Reportage au milieu des passagers que le plus grand réseau ferroviaire transfrontalier d’Europe a séduit.
Melissa est assise près de la fenêtre. Elle est montée à la gare de Genève-Bachet comme des dizaines de passagers. La jeune fille, étudiante en psychologie à l’université de Genève, a pris l’habitude de réviser ses cours dans une salle du Centre médical universitaire (CMU). «Avec quelques camarades, nous nous retrouvons dans ces locaux deux fois par semaine. L’endroit est propice à l’étude », dit-elle en souriant. Alors ? «Le Léman Express est une vraie découverte. Rapide, confortable, calme, je suis conquise par cette ligne qui me fait gagner un temps précieux ». Le temps, c’est bien, l’un des arguments qui convainc les milliers de voyageurs journaliers. Parce que depuis longtemps déjà, la population ne raisonne plus en termes de distance séparant le point de départ et le point d’arrivée. Le temps de déplacement en véhicule privé inclut depuis des décennies, les inévitables embouteillages qui paralysent les axes de pénétration. Et qui pèsent évidemment sur la durée du déplacement. C’est pour cette raison-là que Valérie, vendeuse dans une grande enseigne de la place, a applaudi au lancement du réseau transfrontalier. « J’ai la chance de travailler avec des horaires fixes. Avant le lancement du Léman Express, j’utilisais ma voiture et je stressais dès que le trafic ralentissait. Du coup, je commençais ma journée hypertendue ». A quelques wagons, Corinne, fonctionnaire, dit que l’âge aidant, elle a perdu le goût de la conduite. « Je me sens plus vulnérable qu’il y a quinze ans face à des usagers de la route devenus, plus nerveux, plus prompts à enfreindre les règles de circulation. Dans le train, je sais que je suis en sécurité ».
A Annemasse, des dizaines de passagers se pressent sur le quai. Une voix dans un haut-parleur annonce l’arrivée imminente du Léman Express à destination de Coppet. Un jeune homme, dûment emmitouflé, saisit son sac déposé au sol, et s’engouffre dans le wagon. «Je viens d’être engagé dans une entreprise proche de Coppet. Cette ligne est une véritable aubaine pour moi. C’est mon premier job et je n’ai pas les moyens de m’acheter une voiture. Je ne suis pas certain de passer à l’acte d’achat un jour. Ce train est confortable et les passagers sont peu bruyants. Autant de conditions qui me permettent de boucler un dossier inachevé ». Assise à côté de lui, Valérie lutte contre le sommeil qui la gagne. « Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit ». La faute à un entretien d’embauche qui lui donne quelques sueurs froides. «Dans l’état de nervosité où je suis, j’aurais bien été incapable d’effectuer le trajet au guidon de ma moto». Installée sur la banquette, elle peut fermer les yeux et imaginer le déroulement de l’entretien qui l’attend. « J’ai envisagé, mille et une questions et je me suis obligée à y répondre devant un miroir ». Debout, près de la porte, Anita semble fixer le paysage qui défile. Originaire de Bretagne, la jeune fille vient de s’installer dans la région. « Avant de chercher un emploi en Suisse, je fais du repérage. Pour l’instant, je loge chez ma tante à Annemasse mais selon l’accessibilité des transports publics, leur fonctionnement, les temps de trajet, je déciderai de louer un appartement au plus près d’une des gares du Léman Express». Anita est une écologiste militante. Elle refuse de passer le permis de conduire. « Je me déplace à pied ou en transports collectifs. Je n’ai jamais été en retard à un rendez-vous. Il suffit d’être bien organisée ».
Au départ de la gare Genève–Eaux-Vives, Magali porte un bébé dans un harnais. D’un pas alerte,elle monte à bord du train en direction d’Evian. Une femme plus âgée prend place à ses côtés. « Nous allons passer quelques jours aux Bains thermaux », expliquent-elles. « C’est un cadeau d’anniversaire offert par ma mère, pour moi et pour mon enfant, car le centre propose des activités maman et bébé», ajoute encore Magali. Le choix du Léman Express? La facilité et la possibilité de discuter en toute quiétude. «Ce petit voyage est un moment de partage familial.
J’ai l’impression de mieux en profiter car je n’ai pas les contraintes liées à un déplacement automobile ».
L’inauguration, en décembre 2019, du véritable trait d’union franco-suisse, avait suscité l’engouement des autorités, des transporteurs partenaires et des futurs utilisateurs de la liaison. Il semblerait bien que cet enthousiasme n’est pas fléchi.